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J'adore le ciné depuis que je suis toute petite. Aujourd'hui je débute mon blog pour diffuser ce que je pense.

20 Jul

Samouraîs

Publié par Joulietta

Samouraîs

Dans le Japon médiéval, un seigneur invoque un puissant démon afin de gagner une guerre. Mais celui ci refuse de repartir, et renaît en mettant enceinte la fille du seigneur. De nos jours, en France, une jeune japonaise est vouée à réitérer la malédiction, en donnant naissance au nouveau corps du démon, entre temps devenu milliardaire dans l'industrie du jeu vidéo. Mais un jeune français amoureux d'elle va s'interposer et sauver l'humanité…


Nivellement par le bas

Quand le cinéma américain phagocyte les films d'arts martiaux chinois et japonais, cela donne, au hasard, Blade II (une bombe absolue, qui sort le même jour que Samouraïs. Y'en a qu'ont de l'espoir…). Lorsque le cinéma français s'y essaie, le résultat s'appelle Samouraïs, et croyez nous, c'est pas gagné… Le film de Giordano Gederlini creuse (très profond) le sillon des Taxi et autres Yamakasi, mais sans Besson ! Et le résultat est 10 fois pire que les films produits par le réalisateur de Jeanne D'Arc. A vrai dire, Samouraïs laisse pantois tant ses initiateurs nivellent leurs ambitions par le bas afin de livrer le produit le plus populaire possible.


Z'y va/Kung Fu/PS2



La recette semble simple : intégrer au script TOUS les éléments à la mode chez les jeunes ces temps-ci afin d'attirer le plus de monde dans les salles, et ainsi devenir très très riche. On commence donc par l'aspect le plus ostentatoire de Samouraïs, à savoir les arts martiaux. Tant qu'à faire, autant vampiriser les deux grandes tendances : le kung fu et le chambara (films de sabre japonais). A vrai dire, et on y reviendra plus tard, cette facette du film est la moins catastrophique. C'est raté, mais cela permet de comprendre ce qu'il ne faut pas faire si l'on veut filmer des joutes martiales…
Puis, on s'attaque à la culture en ce moment dominante en France, à savoir le rap et la cité. Et là, attention, les scénaristes (le duo Matt Alexander - Le Boulet - et le réalisateur Gederlini) ont décidé de frapper un grand coup en accumulant un nombre incroyable de poncifs et de clichés particulièrement caricaturaux. Dans Samouraïs, le jeune français moyen met du verlan dans toutes ses phrases. Toutes. Même lorsqu'il se regarde dans la glace, le matin, le jeune français moyen dit : "zarma, la tetè qu'j'ai ap ce tinma !". Alors entre potes, vous imaginez les pirouettes linguistiques… Le plus énervant dans l'histoire, c'est la présence du sidekick comique "indispensable", interprété par le jeune Saïd Serrari, pourtant sympathique dans Western. Il incarne ici Nadir, l'équivalent réel de Jar Jar Binks, en plus énervant encore. Pleutre, idiot, il est une caricature singulièrement crispante du jeune arabe de cité. Car, forcément, le jeune arabe vole des jeux vidéo. Le jeune arabe essaye de carotter ses amis sur l'achat d'un scooter. Le summum de la bêtise étant atteint dans une scène particulièrement irritante : Nadir sait que les méchants vont venir, il achète donc dans la cave de sa cité un flingue et un fusil à pompe. Plus "reality" que TF1 et M6 réunis (la chaîne de Loft Story coproduit par ailleurs le film), Samouraïs adopte les pires travers de l'inconscience médiatique, que l'on croyait réservés à la petite lucarne. Consternant… Puis, les scores de vente de la Playstation 2 ayant du faire réfléchir tout ce petit monde, l'intrigue se permet de mélanger à tout ce fatras une histoire de jeu vidéo maléfique (exclusivement sur "Pièstou"), l'occasion de voir le logo de la machine de Sony un peu partout. Soit. Mais là encore, le sujet est traité avec une désinvolture accablante, preuve en est, le disque du jeu, tournant pourtant sur la PS2, porte le logo de la Playstation 1. Tout en contenant un soft plus beau que tous les jeux PS2 réunis…


En fouillant bien ?


A coté de tout cela, quel espoir reste-t-il au pauvre péquin venu s'échouer dans la salle de cinéma ? Pas la performance des acteurs, puisqu'à l'exception du vétéran Yasuaki Kurata (Eastern condors, Shangaï express, Fist of legend, tout de même), et de la jolie Mai Anh Le, le casting est se la joue profil bas, sans qu'aucune interprétation ne vienne relever le niveau. La lumière, la musique ? Samouraïs est éclairé comme un épisode de Sous le soleil, avec par moments des inspirations venues des meilleurs épisodes de Bioman (mais au moins, Bioman, c'était marrant). La musique, composée sans avoir eu le droit de voir le film par l'immense Kenji Kawaï (Ghost in the shell, Avalon, Ring 1 et 2..), n'atteint pas le niveau de ses précédentes compositions, lorsqu'elle n'est pas parasitée par du rap bas de gamme (écoutez la BO de Comme un aimant, et vous comprendrez la différence). Dès lors, il n'y a plus qu'à espérer que les combats soient dignes d'intérêt. Mais là encore, le voyage ne vaut pas le prix du billet.



De l'usage d'une caméra


Derrière les combats de Samouraïs, il y a Philip Kwok, connu pour avoir chorégraphié pas mal de films de Chang Cheh, ainsi que d'autres réussites comme le sublime Jiang hu de Ronny Yu, ou encore l'énorme A toute épreuve de John Woo, dans lequel il incarnait aussi l'inoubliable Némésis de Chow Yun Fat. Plus proche de nous, il a réglé les combats du Pacte des loups de Christophe Gans. Bref, un cador de la profession, qui privilégie la rapidité et la force brute, contrairement aux joutes aériennes de Yuen Woo-ping. Mais encore faut-il savoir faire ressortir, au filmage et au montage, les qualités d'une chorégraphie. Las, Gederlini coupe l'herbe sous le pied de Kwok, en ne dynamisant jamais sa mise en scène. Les cadrages sont maladroits, les mouvements d'appareils peu judicieux, et le montage n'est pas assez percutant pour faire ressentir au spectateur la violence des affrontements. Si quelques scènes témoignent de louables intentions (l'introduction, les toilettes de l'aéroport, l'hommage à Opération dragon dans le gymnase), elles ne décollent jamais complètement, et laissent l'amateur sur sa faim. Tous ces défauts accumulés font de Samouraïs une œuvre assez pénible, surenchérissant constamment sur sa propre médiocrité, et laissant le spectateur perplexe quant à l'avenir du cinéma de genre français. Alors que celui d'Hollywood meurt et renaît tout les dix ans, tout en étant capable d'être toujours compétitif, son pendant hexagonal, à peine apparu, montre déjà ses limites : celles de producteurs préférant la rentabilité à la création, choisissant de niveler par le bas afin de ratisser le plus large possible. Si quelques "résistants" nous font confiance garder (Kounen, Kasso, Gans), on ne peut s'empêcher de penser qu'il manque définitivement à la production de genre française une identité qui puisse la sortir de l'ornière ultra-populiste dans laquelle elle s'embourbe. A force de Belphégor, de Taxi, de Promenons nous dans les bois et de Samouraïs, le public se lassera fatalement, et n'ira plus voir les Nid de guêpes, Western, et autres… Et le genre français retombera dans l'oubli… Brrrr, ça fait froid dans le dos.

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